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Christine

LIRE POUR LE PLAISIR - Digression?

Cet article est le premier de deux, pour le moment. Le second traitera de mes réflexions par rapport à l'importance de développer le plaisir d'écrire, peu importe l'âge.




Plusieurs auteurs abordent l'importance d'accorder une place privilégiée à la lecture pour le plaisir. Techniquement, la discussion ne devrait même pas avoir lieu, parce qu'on sait que tout ce qui est fait dans le plaisir est plus motivant, plus marquant, plus signifiant. Alors pourquoi doit-on s'en persuader, en ce qui concerne l'écriture et la lecture? Et si le plaisir de lire et d’écrire s’inscrivait dans les savoirs essentiels de la progression des apprentissages jusqu’à la fin du programme de formation, le débat aurait-il lieu? Implicitement, elles y sont, mais on a tendance à oublier de les considérer lors de la planification des tâches parce qu’elles ne constituent pas des savoirs « évaluables ». Mais au fond, soyons réalistes… Tout part de là, n’est-ce pas?



Ce qu'en disent les études - en bref


Bon nombre d'études démontrent que l'exposition à la lecture dès le plus jeune âge est un préambule fondamental au développement de la compétence à lire. Cependant, nous devons garder en tête que les élèves, tout au long de leur développement, n'auront pas un accès égal à la lecture, et que la valorisation de l'acte de lire n'est pas le même dans toutes les familles. C'est pourquoi, même au secondaire, il est impératif que l'enseignant soit un modèle de lecteur pour l'élève et qu'il table sur des activités permettant de lire pour le plaisir. D'ailleurs, le goût de la lecture semble directement relié au sentiment de compétence en lecture.


S’intéresser à un sujet et y prendre du plaisir a donc un lien à la fois avec le degré et la

durabilité de l’engagement dans l’apprentissage, et avec le degré de maîtrise du sujet, un

effet que la littérature estime largement indépendant de la motivation générale des élèves à

l’égard de l’apprentissage. Dans tous les pays de l’OCDE, les élèves qui prennent le plus de

plaisir à lire obtiennent des scores nettement supérieurs à ceux des élèves qui en prennent le

moins (Vayssettes et Charbonnier, 2011).



Lire pour comprendre, ou lire pour répondre à des questions?


D'entrée de jeu, soyons francs : apprendre à répondre à des questions d'évaluation, ce n'est pas travailler la compétence en lecture. L'élève, dès son plus jeune âge, est amené à découvrir les livres, des livres de toutes sortes, de tous genres, d'auteurs et de thèmes variés. Il les manipule, s'extasie devant la beauté des images, se construit une histoire à l'aide des récits lus par les adultes. Il lit seul, avec d'autres élèves, avec son enseignant, avec ses parents, à voix haute, dans sa tête. Il entend des lecteurs-apprentis, des lecteurs-experts et se construit lors de chaque contact avec une lecture, particulièrement celles qui lui plaisent. Il apprend à se connaître comme lecteur, à préciser ses intérêts, à s'ouvrir aux différents genres. Il prend plaisir à lire et à découvrir, parce qu'on ne lui demande rien d'autre. Quelle précieuse étape!


Puis, en grandissant, exigences obligent, on impose des lectures à des élèves, ou une lecture au choix, tout en prenant soin de bannir certains genres, à un rythme qui nous convient - à nous, enseignants -, et on enseigne des stratégies de lecture pour aider l'élève à performer aux évaluations. Non, pas pour l'aider à comprendre ce qu'il lit, mais bien pour l'aider à répondre adéquatement aux questions. Parce que c'est d'ailleurs là, le nerf de la guerre : si l'évaluation en lecture est le seul outil permettant de valider l'évolution de la compétence à lire, il devient impératif d'enseigner aux élèves à formuler des réponses qui respectent les corrigés qui accompagnent les questionnaires. Mais est-ce que répondre correctement à un questionnaire écrit démontre réellement un apprentissage, une compréhension adéquate et pertinente de sa lecture? Sans parler de ces questionnaires : qui les rédige? Combien de questions sont pertinentes et signifiantes? Respectent-elles les dimensions de la lecture qui doivent être évaluées? Qui décide de la réponse? Est-on certain que cette réponse soit la seule et l'unique?


Oui, j'ose insinuer qu'il est du domaine du fort possible que certains élèves soient en échec en lecture parce que certaines évaluations ne sont pas adéquatement formulées ou adaptées aux besoins des élèves. Et je suis la première à remettre mes évaluations en question régulièrement!


Comment encourager le plaisir de lire?


D'abord, n e voyons pas cela comme une surcharge à une planification déjà bien garnie. Pour encourager nos élèves à lire pour le plaisir, il faut simplement offrir la preuve aux élèves que, comme adultes, nous lisons pour le plaisir. On ne peut pas supposer qu'à la maison, les parents tiendront ce rôle pour chacun de nos élèves. Nous devons donc lire avec eux, pour eux, devant eux. Il faut laisser traîner des livres, accepter d'en prêter, animer des discussions littéraires, parler de lecture avec passion et enthousiasme. On peut apporter nos propres livres en classe, en emprunter à la bibliothèque scolaire pour les présenter aux élèves, ou les inciter à suivre des blogueurs littéraires pour s'inspirer.


Offrir du TEMPS pour lire

Prendre le temps de laisser les élèves lire en classe, c'est leur faire voir l'importance qu'on accorde à ce type de tâche. Tous les élèves n'ont pas un milieu de vie favorable à la lecture à soi après l'école. Évidemment, nous souhaitons les amener à lire à l'extérieur de la classe, mais le fait de faire de la lecture une priorité en classe facilitera cette transition. Certains diront que lire en classe, c'est du temps perdu. Vraiment? Pourquoi ne pas en profiter pour faire des entretiens réguliers avec nos élèves pendant leur lecture personnelle? C'est une formidable voie d'entrée pour avoir accès aux processus métacognitifs des élèves (Atwell, 2017)!


Suggestions littéraires et LISTE

Quand on demande aux élèves quel est leur roman préféré, il arrive régulièrement que certains ne savent pas quoi répondre. Ils vont donc piger, au hasard, parmi les titres obligatoires qui ont été lus l'année précédente. Si on leur demande quel type de roman leur plait ou quelle est leur prochaine lecture, ils ne savent généralement pas quoi répondre non plus. Pourtant, comme lectrice experte, je connais mes goûts et mes intérêts en lecture, et je tiens une liste inépuisable de romans que je souhaite lire. En suggérant régulièrement des livres aux élèves, de genres, d'auteurs et de thèmes variés, les élèves auront plus de chance de trouver une lecture à leur mesure : qui correspond à leurs intérêts et à leur compétence (longueur et difficulté). En accordant du temps à cette pratique en classe, on amènera les élèves à se construire une liste de livres à lire afin qu'ils aient des choix réfléchis sous la main lors de leur prochaine sortie à la bibliothèque scolaire.


Lecture interactive ou lecture feuilleton

Tous les élèves apprécient se faire faire la lecture par un enseignant. Même les élèves de 5e secondaire apprécient une lecture animée et passionnée qui leur permet d'assister aux stratégies instantanées démontrées par un lecteur expert. C'est une belle façon de faire découvrir un livre coup de coeur ou un texte difficile, et de colliger des traces. Par exemple, je pourrais choisir un magnifique album de la collection Griff paru chez Isatis, qui traite d'un sujet délicat et en faire la lecture en classe, tout en m'arrêtant régulièrement pour interroger les élèves quant aux stratégies à utiliser, à l'intention de l'auteur, aux émotions vécues par le lecteur, à leur compréhension, à leurs réactions, à leur appréciation. Je pourrais aussi choisir de lire un roman plus complexe qui les captivera, tel que L'orangeraie, écrit par Larry Tremblay, et le diviser en plusieurs lectures afin de tenir les élèves en haleine, de les faire réfléchir et mettre en pratique régulièrement les stratégies de lecture que j'en profiterais pour insérer dans ma lecture.


Laisser les élèves CHOISIR

Pour se découvrir comme lecteur, il faut pouvoir explorer! Il est certain que les séries disponibles ne peuvent pas plaire à tous, et c'est pourquoi il est important, pour favoriser le plaisir de lire, de laisser les élèves choisir certaines de leurs lectures. Peu de liberté leur est offerte dans leur environnement scolaire. Pourquoi ne pas leur permettre de nous surprendre?


Animer des discussions littéraires

Ces discussions peuvent être très brèves : amener deux ou trois romans coups de coeur à présenter aux élèves, les inviter à apporter des livres qui les ont émus, marqués, étonnés, choqués et les amener à les présenter à la classe pour contaminer, à leur tour, leurs collègues. Il s'agit de promouvoir la lecture pour le plaisir régulièrement et surtout, d'en faire un sujet important. Il faut s'intéresser aux goût et aux opinions des élèves afin de les motiver à questionner et à partager. La lecture, si elle est partagée, propose un aspect social qui favorise aussi le plaisir.


Les intentions de lecture

Pour arriver à lire pour le plaisir, il faut connaître et distinguer les différentes intentions liées à la lecture. Certes, un élève doit être capable de différencier les lectures pour le plaisir des lectures pour apprendre, pour s'informer, pour apprécier, pour analyser. Il doit être en mesure de comprendre le choix lié à une lecture demandée par l'enseignant(e) afin d'entamer chacune d'elles avec l'intention adéquate et ainsi y consacrer l'énergie nécessaire.


Bref, il m'apparait important de se remémorer, en ce début d'année, l'importance d'entourer d'enthousiasme et de plaisir une tâche qui en offre l'immense opportunité. Lire pour le plaisir, c'est accessible, peu engageant et possible! Il suffit d'y accorder une valeur qui influencera positivement la perception de nos élèves par rapport à la tâche.


 

Références :


Sophie Vayssettes et Éric Charbonnier, « Lecture par plaisir et performances scolaires à 15 ans dans les pays de l’OCDE », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 57 | septembre 2011, mis en ligne le 01 septembre 2014, consulté le 08 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ries/2073 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.2073


Fenouillet, Fabien, et al. « Motivations autodéterminées et lecture », Enfance, vol. 4, no. 4, 2009, pp. 397-422.


Les ateliers de lecture et d'écriture au quotidien : Conseils et stratégies issus de plus de 40 ans d'expérience en enseignement de Nancie Atwell, paru chez La Chenelière Éducation en 2017.

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